Nous sommes amenés ici à parler de couleur verte, associée aux éventails révolutionnaires. Cette couleur a-t-elle une signification ???
On peut lire dans le "Journal de la Mode et du Goût" que cette couleur aurait été à la mode en 1790 pour les fonds d'éventails. Certes : les exemples que nous citons ou montrons le prouvent, et il en est d'autres !
Mais pourquoi cette mode ?
Dans le très bon ouvrage "Waaiers en Waaierbladen 1650-1800" - Rijksmuseum Amsterdam, qui nous sera très utile ici, Bianca M. du Mortier écrit, suivant d'autres auteurs : "Après 1789, le vert fut une couleur populaire dans les cercles royalistes français"
Mais est-ce bien sûr ? : Lisons ci-dessous, à propos du vert, un témoignage bien intéressant :
in Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814 par F.-A. Mignet ... Le lendemain dimanche, 12 juillet, on apprit à ( p 66) Paris, vers les quatre heures du soir, la disgrâce de Necker et son départ pour l'exil. Cette mesure y fut considérée comme l'exécution du complot dont on avait aperçu les préparatifs. Dans peu d'instants, la ville fut dans la plus grande agitation, des rassemblements se formèrent de toutes parts, plus de dix mille personnes se rendirent au Palais-Royal, émues par cette nouvelle, disposées à tout, mais ne sachant quelle mesure prendre. Un jeune homme, plus hardi que les autres et l'un des harangueurs habituels de la foule, Camille Desmoulins, monte sur une table, un pistolet à la main, et il s'écrie : "Citoyens, il n'y a point un moment à perdre ; le renvoi de Necker est le tocsin d' une Saint-Barthélemy de patriotes !"
Ce soir tous les bataillons suisses et allemands sortiront du Champ-de-Mars pour nous égorger ! Il ne nous reste qu'une ressource, c'est de courir aux armes. " on approuve par de bruyantes acclamations. Il propose de prendre des cocardes pour se reconnaître et se défendre. "voulez-vous, dit-il, le vert, couleur de l'espérance, ou le rouge, couleur de l'ordre libre de Cincinnatus ? -- le vert ! Le vert ! " répond la multitude. L'orateur descend de la table, attache une feuille d'arbre à son chapeau, tout le monde l'imite ; les marronniers du palais sont presque dépouillés de leurs feuilles, et cette ( p 67 ) troupe se rend en tumulte chez le sculpteur Curtius.
On prend les bustes de Necker et du duc d' Orléans, car le bruit que ce dernier devait être exilé s'était aussi répandu ; on les entoure d' un crêpe, et on les porte en triomphe. Ce cortége traverse les rues Saint-Martin, Saint-Denis, Saint-Honoré, et se grossit à chaque pas. Le peuple fait mettre chapeau bas à tous ceux qu' il rencontre. Le guet à cheval se trouve sur sa route, il le prend pour escorte. Le cortége s'avance ainsi jusqu' à la place Vendôme, où l' on promène les deux bustes autour de la statue de Louis XIV. Un détachement de royal- allemand arrive, veut disperser le cortége, est mis en fuite à coups de pierres, et la multitude, continuant sa route, parvient jusqu' à la place Louis XV....
Qu'en conclure ?? La mode est-elle venue au vert parce que cette manifestation en faisait une couleur patriotique et révolutionnaire (quoiqu'encore un peu royaliste...), ou les manifestants l'ont-ils choisie parce qu'elle était à la mode ??? Que ceux qui le savent nous le disent !