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Les auteurs du XIXe siècle laissaient volontiers croire que Watteau,
Boucher, Le Brun et autres peintres célèbres des XVIIe et XVIIIème
siècles avaient peint des éventails. Si cela a été, ce fut rarissime.
Au XIXe siècle par contre, on sait que nombre d'artistes, en
particulier sous l'influence du japonisme puis de l'impressionnisme
apprécièrent le format contraignant mais nouveau de la feuille
d'éventail et réalisèrent soit de vraies feuilles d'éventail pouvant
être montées, soit des œuvres en forme d'éventail. On consultera
avec profit à cet égard l'ouvrage d'Anne Sefrioui (Les Éventails Impressionnistes,
Citadelles et Mazenod, Paris, 2012). Les amateurs d'éventails savent que les éventaillistes du début du
XXIème siècle font parfois appel à des artistes plus ou moins consacrés
pour décorer des feuilles d'éventails, en particulier imprimés. Ils
savent aussi que tant le Musée de l'Eventail-Hoguet de Paris que le Fan
Museum de Londres ont obtenu pour des expositions intéressantes et
couronnées de succès la collaboration d'artistes de "Street-Art" on ne
peut plus modernes. Notons d'autres initiatives bienvenues comme celle de Serge Davoudian fin 2018 (https://www.marchebiron.com/actualites/expositions/item/11919-double-exposition-organisee-par-serge-davoudian-du-1er-decembre-2018-au-14-janvier-2019-au-marche-biron)
Mais on parle rarement d'une exposition qui en 1995 avait réuni 113
artistes contemporains qui avaient accepté de réaliser des éventails
originaux (même si certains furent imprimés). Il est même difficile,
bien que nombre de ces artistes toujours heureusement actifs la
mentionnent dans leur biographie, de situer et dater précisément cette
exposition...Même les amateurs d'éventails qui purent la visiter ne le font pas spontanément. Un des artistes, fort
heureusement, se montre précis et indique, pour cette année 1995, sa
participation à « "Éventails d'artistes" ,
Galerie La Pochade, Paris, France, 18 mai (vernissage) ; Espace Riquet,
Béziers, France, 12 juillet - 10 septembre ».
C'est que l'exposition s'accompagnait d'un petit livret titré Eventails d'artistes Contemporains,
reproduisant toutes les œuvres et donnant le nom des auteurs, mais
sans dates d'exposition ni de parution. Il était cependant indiqué au
dos du livret : "Exposition réalisée d'après une idée de la Galerie La
Pochade - Paris". Cette galerie parisienne créée en 1962 au 157 boulevard Saint-Germain migra ensuite au 11 rue Guénégaud avant de disparaître en
1999 puis de réapparaître au Village Suisse (avenue Suffren).
L'exposition était présentée par une courte préface de Laurent Gally.
Celui-ci précisait : "Pour le
renouveau de l'éventail d'art, il a été [...] proposé aux artistes
d'écrire au verso de leurs œuvres une citation ou un court poème en
éloge à l'éventail" et concluait "Véritables pièces de musées,
ces éventails sont autant d'œuvres d'art recherchées par tous les
collectionneurs. On aurait donc pu s'attendre, plus d'un quart de
siècle après l'exposition, à voir nombre de ces œuvres exposées dans
les musées ou proposées à la vente dans les galeries d'art ou dans les
salles de ventes aux enchères. Or il n'en est rien.
Tout au plus trouvons nous au musée Galliéra de Paris
- un éventail intitulé "L'enfant à
l'Oiseau" (https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/palais-galliera/oeuvres/enfant-a-l-oiseau#infos-principales).
Cette œuvre (1998.128.3) fut réalisée par Alékos Fasianós, (Athènes,
13–12–1935), bizarrement qualifié par Galliéra de "peintre
éventailliste". On trouvera ici quelques informations et d'autres exemples de
l'œuvre de cet artiste. Cet éventail porte dans le catalogue de la
Galerie La Pochade le n° 2 ;
- un éventail imprimé dû à l'artiste bien connu Ben (Benjamin Vautier,
dit -, 18–07–1935) , comportant sur la face diverses inscriptions en
cursives, dont en grandes lettres "Je t'aime" (2000.215.1) (https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/palais-galliera/oeuvres/je-t-aime#infos-principales).
Cet éventail correspond à l'éventail n° 4 du catalogue de La
Pochade. Toutefois, dans ce catalogue l'éventail est un
original et a un revers marqué : "Je te hais". Connu à partir de 1959 grâce à son «
magasin fourre-tout, lieu de rencontres et d’exposition », Ben est l’un
des fondateurs du mouvement Fluxus. Pour lui, tout est art et tout est
possible en art. Il est connu notamment pour ses performances et ses
écritures-aphorismes calligraphiques, déclinées sous divers supports,
dont cet éventail est un exemple.
Alors que plusieurs artistes présentés dans cette exposition la
citent dans la liste de celles auxquelles ils ont participé, il ne nous
a pas été possible de trouver d'autres éventails, ni même des
reproductions de meilleure qualité que celles figurant dans le
catalogue. Il y a cependant une exception que nous voulons
partager avec vous ici. C'est dans le catalogue de la Galerie La Pochade le n° 52.

Cet éventail de 33 cm se compose d'une monture en bois (18 brins
jointifs + 2) peint en blanc avec feuille double de 17 cm en papier
peint à l'huile due à l'artiste catalan Andrés
Moya, né en 1964, qui a exposé dans de nombreuses galeries et musées,
notamment en Espagne et en France. Il vit à Barcelone depuis plus de
trente ans. Comme l'indiquait une présentation de sa dernière
exposition (début 2020) "Il somni d'Icar", il réfléchit sur des
questions qui le concernent, comme le consumérisme de la société et
l'accumulation de déchets qui mettent en danger la vie de la planète ou
l'initiation à la violence des plus petits à travers des
pistolets-jouets : "des pistolets à eau innocents que nous associons
aux jeux d'été, mais qui ont un fond pervers", a-t-il déclaré.
L'éventail ci-dessus, bien que relativement ancien dans son œuvre, est
tout à fait dans cette ligne, puisqu'il représente les déchets que
l'artiste peintre lui-même produit, avec cet ensemble de tubes écrasés,
souvent non rebouchés, que l'on imagine délaissés et séchés, destinés à
être jetés et à peut-être polluer la nature.
Le message de l'œuvre est mieux marqué encore par le revers de
l'éventail. Dans la vente aux enchères où cet éventail a été acquis, il
était annoncé : "au verso des mots choisis par l'artiste en éloge à
l'éventail". Or point n'est besoin d'être hispaniste pour
comprendre que les phrases ou les mots que nous voyons n'ont rien à
voir avec les qualités des éventails. Il est en effet écrit de gauche à
droite : "Gases - Petroleos - metalles - Gomas - Plasticos - Vidrios -
etc" et "Europa" Ces mots sont accompagnés de la représentation
schématique d'un tube de peinture et de signes conventionnels indiquant
le danger des produits toxiques et des produits inflammables. Une
phrase à droite, signalée par des flèches qui traversent la feuille,
synthétise le message : "objetos que tan destrozan el paisaje".
Une traduction n'est guère nécessaire. Donnons-la cependant :
"Gaz - Pétrole - Métaux - Caoutchouc - Plastiques - Verre -etc " ;
"Europe" ; "objets qui détruisent tellement le paysage ". La
proclamation est explicite. Il s'agit, bien avant la mode verte, de la
constatation des dégâts causés à l'environnement par les produits
chimiques et autres, et en particulier ceux qui sont utilisés par les
peintres. Il s'agit, d'une
certaine façon, d'un auto-portrait de l'artiste en pollueur !

Voici
un article (en catalan : assez facile à comprendre si vous connaissez
l'espagnol et/ou le français...) parlant d'une des dernières
expositions d'Andrés Moya.
Quittant cet éventail hautement significatif et précurseur, typique de
la production de l'artiste, nous revenons à notre question... ou plutôt
à nos questions.
Quelles questions ?
Peut-être
êtes-vous
l'heureux propriétaire de l'un des éventails figurant dans l'exposition
de 1995 à La Pochade (Paris) et à l'Espace Riquet de Béziers ?
Peut-être en avez-vous vu dans des musées ou lors de ventes aux
enchères ?
Pour vous aider, voici dans l'ordre alphabétique (qui n'est pas celui
du catalogue) une liste des 113 artistes (aujourd'hui très connus, peu
connus ou inconnus !) alors exposés :
Aeschbacher - Aizpiri - Agosti - Arnal - H Arthur Bertrand - Baruchello - Baugeste -
Bellegarde - Ben - Bertini - Beyneto - Bitran - Boiry - Bonhomme -
Brasilier - Busca - Byzantios - Cassigneul - Canovas - Chambard -
Chambas - CharlElie - Ph.
Charpentier - Chu Teh Chun - Yves
Clerc - Clerte - Jean Cocteau
- Annie Cohen - Combas - Cortot - Courtin - Couturier - Cremonini -
Cueco - Olivier Debré -
Alexandre Delay -
Dumesnil - Duvillier - Erro - Fanti - Fassianos - Feito - Feraud -
Ferrer - Fromanger - Gardy Artigas - Oscar Gauthier - Gillet - Gripekoven - Etienne Gros - Guiramand - Guitet - Guyomard -
Hambourg - Heinzen - Michel Henricot
- Francis Herth - Daniel
Humair - Kalfas - Kantoriwicz
- Koenig - Kijno - Klasen - Tchang Yeul Kim - Kriki - Laubies - Le Bars
- Leboulc'h - Le Yaouanc - Licata - Ljuba - Lozano - Martine
Martine - Mesnager - Mesterou
- Milkovitch - Jean Miotte -
Miss Tic - Mitrofanoff - Monory - Mosner - Andres Moya - Kajean - Noel - Novellas - Olivier Olivier - Pera - Pillet - Piza - Bernard Quentin - Rancillac - Jean-Pierre Rives - Rueda - Schoendorff - Schlosser -
Segui - Seun Ja Rhee - Denis Rivière
- Luc Simon - Anne-Marie
Soulcie - Stämpfli - Steffens
- Syroka - Taule - Todie - Alain Trez - Tyzsblat - Velickovic - Bernar
Venet - Venturelli -
Wunderlich - Yankel - Xenakis.
Merci d'avance pour vos contributions. Bien entendu, tous
autres avis, opinions ou questions sont bienvenus !
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