LES ESPAGNOLES ET L'EVENTAIL
Voici ce que, dans son ouvrage "Voyage en Espagne", au chapitre VII, l'écrivain français Théophile Gautier (auteur par la suite du Capitaine Fracasse, du Roman de la Momie etc.) écrivait en 1843
Une femme sans éventail est une chose que je n’ai pas encore vue en ce bienheureux pays ; j’en ai vu qui avaient des souliers de satin sans bas, mais elles avaient un éventail ; l’éventail les suit partout, même à l’église où vous rencontrez des groupes de femmes de tout âge, agenouillées ou accroupies sur leurs talons, qui prient et s’éventent avec ferveur, entremêlant le tout de signes de croix espagnols qui sont beaucoup plus compliqués que les nôtres, et qu’elles exécutent avec une précision et une rapidité dignes de soldats prussiens. Manœuvrer l’éventail est un art totalement inconnu en France. Les Espagnoles y excellent ; l’éventail s’ouvre, se ferme, se retourne dans leurs doigts si vivement, si légèrement, qu’un prestidigitateur ne ferait pas mieux.
Quelques élégantes en forment des collections du plus grand prix ; nous en avons vu une qui en comptait plus de cent de différents styles ; il y en avait de tout pays et de toute époque : ivoire, écaille, bois de santal, paillettes, gouaches du temps de Louis XIV et de Louis XV, papier de riz de Japon et de la Chine, rien n’y manquait ; plusieurs étaient étoilés de rubis, de diamants et autres pierres précieuses : c’est un luxe de bon goût et une charmante manie pour une jolie femme. Les éventails qui se ferment et s’épanouissent produisent un petit sifflement qui, répété plus de mille fois par minute, jette sa note à travers la confuse rumeur qui flotte sur la promenade, et a quelque chose d’étrange pour une oreille française. Lorsqu’une femme rencontre quelqu’un de connaissance, elle lui fait un petit signe d’éventail, et lui jette en passant le mot agur qui se prononce agour.
N de PHB : Le pauvre Gautier se ferait maintenant insulter, car avec sa dernière phrase il prend les Basques pour des Espagnoles !!!
« Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid. » (T. Gautier - 1824)
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