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Un écran anti-napoléonien (II)

an anti-Napoleon hand screen (II)

Que trouvons-nous au revers ?

Sur un fond vert est collée une gravure portant une courte fable "Le geai paré des plumes du paon", avec en tête une gravure d'illustration. Il n'est guère besoin de temps pour confirmer que le texte est de La Fontaine.

 

 

 

copyright Place de l'Eventail/C.&P.H.B.

 

Nous vous invitons à lire ou à relire le texte avec attention.


Hyacinthe RIGAUD  Vers 1684 Huile sur toile
Inv. : 897.1.1  Musée Jean de la Fontaine, Château-Thierry 

Nous redonnons donc, au regard du beau portrait de Jean de La Fontaine par Hyacinthe Rigaud (Perpignan 1659 – Paris 1743), le texte de la fable, extraite du Livre IV


Un Paon muait : un Geai prit son plumage ;
Puis après se l'accommoda ;
Puis parmi d'autres paons tout fier se panada,
Croyant être un beau personnage.
Quelqu'un le reconnut : il se vit bafoué,
Berné, sifflé, moqué, joué,
Et par Messieurs les Paons plumé d'étrange sorte ;
Même vers ses pareils s'étant réfugié,
Il fut par eux mis à la porte.

Il est assez de geais à deux pieds comme lui,
Qui se parent souvent des dépouilles d'autrui,
Et que l'on nomme plagiaires.
Je m'en tais ; et ne veux leur causer nul ennui :
Ce ne sont pas là mes affaires.


Si vous souhaitez en savoir plus sur La Fontaine... ce ne sont pas les références qui manquent : nous en donnerons deus seulement :

http://www.jdlf.com/ et http://www.lafontaine.net/

 

 

La Fontaine lui même s'attaque par la fable, et presque au premier degré, au plagiat littéraire. En effet, au XVIIe siècle, la propriété littéraire n'était pas protégée et le plagiat était fréquent. Il faut reconnaître que La Fontaine lui-même serait sans doute de nos jours très critiqué pour l'adaptation qu'il fait (y compris dans cette pièce !) des fables d'Esope en particulier. Sur ses 240 fables, moins d'une dizaine sont vraiment originales !

J.M. Bassetti (site "lafontaine.net") écrit fort bien : "Phèdre (I, 3) est l’auteur qui a le plus inspiré La Fontaine pour cette fable. La maxime du latin était, dans cet apologue « Ne t’élève pas au-dessus de ta condition ». Le fabuliste français a aussi pris texte chez Esope (« Le Choucas et les Oiseaux », mais aussi « Le Choucas et les Corbeaux » ou encore « Le Choucas et les Pigeons »). N’oublions pas non plus Horace lorsqu’il écrit « Je lui ai dit, je ne me lasserai pas de le lui répéter, qu’il doit se contenter de son bien et éviter d’emprunter aux œuvres de la bibliothèque palatine. Sinon, le jour où les oiseaux viendront redemander leurs plumes, la corneille, dépouillée de son plumage d’emprunt, prêtera à rire à tout le monde... » (« Epîtres », I, 3). Ce texte s’applique aux plagiaires, bien entendu. Certains ont vu, dans le geai, Colbert, paré de la magnificence et des mérites de Fouquet..."

Comme il sera ici question de geai, de corneille et de choucas... allez voir la différence en cliquant sur le geai ci-contre !

GEAI des CHENES

Source de l'image :

J.M Besson

www;pronatura-vaud.ch

Et sur le sujet du plagiat, cette fable reste la référence. Ainsi Christian Vanderdorpe peut-il écrire : "Suivant l'exemple de Montaigne, on peut exonérer de tout blâme l'écrivain qui réussit à créer un manteau neuf avec des pièces rapportées ici ou là (...). Mais encore faut-il que les coutures ne se voient pas, faute de quoi l'auteur risque tout naturellement de se faire traiter de "geai paré des plumes du paon", comme dans la fable de La Fontaine (qui reprenait Phèdre, qui lui-même avait repris Ésope)" (http://www.uottawa.ca/academic/arts/lettres/vanden/IntroPlagiat.htm)

 

Nous pourrions de ceci citer bien des exemples. Mais du plagiat à la supercherie, à la tricherie ou à l'imposture en d'autres domaines, il n'y a qu'un pas, et beaucoup l'ont franchi.

Nous en trouvons un exemple dans un roman de Monique AGENOR, écrivain réunionnais d’expression créolo-francophone. Dans son roman " Comme un vol de papang" (Le Serpent à Plumes Paris 1998), Minia, l'héroïne, raconte comment les colons français prennent la place de la souveraine de Madagascar (La Grande-Ile). Elle illustre cette situation par une savoureuse traduction en créole de la fable de La Fontaine que nous ne résistons pas au plaisir de citer :

"Bèl z’oiseau l’arc-en-ciel, té y perde son plime. Papang’ voleur la ramasse à li, la met sur son ki, Et puis l’est parti vavanguer, en cranèr clair de line. […] Nana plein papang’-volèrs comme li-même qui mett’ sur zot’ dos plimes z’oiseaux l’arc-en-ciel, que nu appell’ band’ copièr-mentèrs. Mais arrête causer. Tout ça l’est pas mon z’affèr."

Un étudiant, dans son travail de maîtrise, analyse ce texte : "Cette fable de La FONTAINE [21] est un élément essentiel du roman car elle illustre la situation : Minia et la Grande-Île sont ce paon (z’oiseau l’arc-en-ciel) qui s’est fait voler par le geai (papang’-volèr), représenté dans le roman à la fois par les plagieurs, et les colons. Il y a donc une double dénonciation de l’étranger dans ce roman où l’histoire de l’un permet de comprendre l’Histoire de l’autre, et inversement. Même si ces deux dénonciations se font à des degrés différents, la figure de l’étranger reste la même : il est toujours le violeur / voleur de terre et d’histoire" (Stéphane Hoarau, Université Louis Lumière, Lyon II, 2000/2001)

Gustave Doré

Là aussi, une recherche un peu approfondie donnerait bien des exemples d'une utilisation récurrente de cette fable comme illustration de l'usurpation en politique. et ailleurs (allez : encore un ou deux exemples en cliquant les plumes ci-dessous ! :

 
 


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